Chapitre numéro un - qui possédera une suite si on en demande une.
Il était une fois.... une petite fille qu'on appelait Chaperon Rouge.
On lui avait donné ce nom parce sa maman lui avait fait un très joli bonnet rouge. Et, à l'époque, les bonnets s'appelaient des chaperons.
Au village, quand on la voyait arriver, on disait : "Tiens, voilà le Petit Chaperon Rouge."
Mais vous connaissez sans doute déjà cette histoire. Voici donc une autre version que je préfère.
Il était une fois… un petit homme qu'on appelait Bûcheron Rouge.
On lui avait donné ce nom parce que son papa lui avait offert une très jolie tronçonneuse rouge. Et, à l'époque, les propriétaires de tronçonneuse s'appelaient des bûcherons.
Au village, quand on le voyait arriver, on disait : "Tiens, voilà le Petit Bûcheron Rouge."
Oui, le début colle plutôt bien au texte original, mais vous allez voir, ça change ensuite. Reprenons…
Au village, quand on le voyait arriver, on disait : "Tiens, voilà le Petit Bûcheron Rouge." Et à quoi on n'oubliait pas d'ajouter : "Tous aux abris !"
En effet, le Petit Bûcheron Rouge n'aimait personne ni rien d'autre que sa jolie tronçonneuse rouge. Et sa seule passion était de l'utiliser sur tout et n'importe quoi. Alors évidemment, dès qu'il arrivait au village, il ne tardait pas à provoquer quelques menus dégâts.
Au début, cela n'était pas très grave. Des rambardes en bois, des pieds de tables ou de chaises… Bien sûr, il entrait chez les gens, mais cela divertissait les villageois de voir un petit gars tant s'amuser avec une jolie tronçonneuse rouge. Par la suite, il découpa les chats de gouttières et les chiens en laisse. Les gens riaient de bon cœur devant un tel spectacle. Imaginez seulement : un petit gars avec sa joli tronçonneuse rouge ! Puis ensuite, il tronçonna quelques vieux mendiants dans la rue. On lui pardonna bien vite. Ce n'était que des vieux débris, voyons. Mais un jour, il brisa une vitrine de banque et tailla en deux une liasse de billet. Là, les gens commencèrent à prendre peur du Petit Bûcheron Rouge.
Alors, un jour où le Petit Bûcheron Rouge avait coupé en rondelle deux bulldogs, un saint-bernard, trois chiots bâtards, une grand-mère et – grands dieux ! – son porte-monnaie, les sages du village formèrent un Grand Conseil des Sages du Village.
Tous réunis autour d'une grande table ronde, les cinq Sages prirent les meilleures dispositions pour discuter du sujet à débattre, oserai-je dire, "à trancher". Ils mangèrent, burent, dormirent, puis, enfin, parlèrent.
« Mes aïeux ! débuta le premier Sage. N'a-t-on jamais vu pareille chose ? Un si p'tit gars, à peine l'âge de prétendre être un homme, couper tout à tout va ! (Il reste du jambon ?) Quand il s'agissait de quelques tables, voire quelques bestioles de compagnie, c'était de bonne plaisanterie. A la limite, ces pouilleux qui hantent les abords du village… (Et de ce vin ?) Bientôt il touchera Mme Aurus, une de nos plus chères concitoyennes ! Il faut faire quelque chose !
- Mais vous avez tout à fait raison, honorable homologue ! répondit le second Sage.
- Il s'agit d'ailleurs d'établir un plan pour éviter un tel malheur, énonça le troisième Sage. Je vous propose de voir ce qui est le plus rentable pour notre village. (Un verre pour moi aussi, merci.) Y en a t-il parmi vous qui aurait des idées
- Je propose, dit le quatrième Sage, de réunir le Grand Conseil des Sages du Village une nouvelle fois dès demain pour rassembler nos différentes idées, qui ne manqueront pas d'être excellentes, j'en suis certain. »
Le dernier Sage était en parfait accord avec ses éminents confrères et n'ajouta rien. Tous cinq se mirent alors dans les meilleures conditions pour débattre de ce sujet à discuter le lendemain. Et d'un commun accord, ils décidèrent au bout d'une semaine de rude recherche d'envoyer le Petit Bûcheron Rouge en forêt pour rendre visite à une mère-grand jusqu'alors inconnue. Son père le guiderait jusqu'au milieu du bois, puis l'abandonnerait. Voilà ce qui avait été décidé.
Ainsi, le père guida le Petit Bûcheron Rouge au milieu du bois, sous-prétexte de visiter une mère-grand par alliance au second degré. Les détails de la visite n'intéressaient guère le Petit Bûcheron Rouge. Tout ce qui lui importait était d'avoir avec lui sa jolie tronçonneuse rouge. Au bout de deux heures de marche, le père, fier patriote de son village, profita d'un moment d'inattention de son fils pour le laisser perdu dans la forêt. Il revint en courant au village pour prévenir les Sages, et chercher une certaine somme durement gagné. Un fils, ça n'a pas de prix.
Après une heure d'attention envers le débridage qu'il avait effectué la veille sur sa jolie tronçonneuse rouge, le Petit Bûcheron Rouge ne se dit rien. Pour tout dire, le Petit Bûcheron Rouge ne se disait jamais rien. Il ne pensait que pour et par sa jolie tronçonneuse rouge. C'est dire combien il pensait peu. Et il le vivait bien.
Soudain, un loup qui passait par là se jeta devant le Petit Bûcheron Rouge, dans l'espoir de remplir son estomac. Cela faisait bien une semaine qu'il n'avait pas manger, et en ces temps de famine, on n'hésite pas devant un enfant.
Le moteur de la jolie tronçonneuse rouge du Petit Bûcheron Rouge eut à peine le temps de rugir, que déjà le loup voyait son estomac séparé de son corps. Puis il ne vit plus rien. Le Petit Bûcheron Rouge fut content d'avoir pu tester son nouveau débridage sur un animal vivant. Il avait tout le long du chemin coupé des arbres, mais cela restait de la verdure. Un animal, ça c'était du solide ! Et la conclusion était bonne. Heureux, le Petit Bûcheron Rouge rentra chez lui, en suivant les troncs d'arbres qui jonchaient le sol.