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Putain de bulle à toi aussi...

Lundi 17 octobre 2011 à 23:59

 L'enfer.

Là, en ce moment même, je suis devant l'Enfer. J'attends.

Ici, je peux attendre sans peur d'être abordé par quelques ombres noires qui ne cesse de demander si on peut enfumer leur gueule de nuages gris cendrés. C'est agréable. Les ombres sont si oppressantes, parfois.

Je sais qu'ici, ces affreuses bêtes à poil, montrant à tous et sans honte, leurs attributs les plus intimes, se font moins fréquentes. Et il y a ainsi moins de risque de voir ses pieds recouverts de boules, ô combien odorantes, balancées par ces ignobles bestioles. Marcher avec ça sur les godasses, ça fait pas sérieux. Les gens mettent une distance entre vous et eux, quand ils voient ça.

De ce côté, vers l'entrée de l'Enfer, on peut tout de même voir un bout de ciel, et ça fait du bien. Même s'il est souvent grisâtre, je ne me plains pas. Quand j'attends, un bout de plafond céleste me convient très bien, ça donne un espoir pour le lendemain. Malheureusement, de nuit comme de jour, on ne voit pas les brillants habitants de cet endroit. J'ai appris qu'ils étaient pourtant nombreux.

Je ne sais pas à quoi ressemble l'intérieur de l'Enfer. Pour cela il faut entrer dans la bouche du Diable. Et jamais encore je n'ai fait ce premier pas. Pas que j'ai spécialement peur.  Disons plutôt que j'ai toujours eu à attendre devant, et que je n'ai jamais eu rendez-vous à l'intérieur. Un jour peut-être j'irai, mais ça ne me tente pas plus que ça, étant donné que l'Enfer a plutôt l'air endroit délabré et même de débauche.

Devant l'Enfer, je regarde les murs. Il y a toujours une tonne d'affiches de publicité. Elles envahissent le premier mur et semblent avoir été là avant l'existence du lieu. Je sais que c'est impossible. Les voisins de l'Enfer, ceux qui en parlent encore, racontent qu'ils l'ont toujours connu là, et qu'ils le verront encore à leur mort. C'est devenu une légende populaire, je crois. Moi j'attends devant avec bonne humeur, souvent, parce que c'est toujours drôle de regarder les anciennes affiches.

Mais bon, l'Enfer, parfois, ce n'est pas agréable. La façade, j'entends, parce que l'intérieur, j'y connais rien. Mais je sais que malgré le peu d'ombres filantes et les rares bestioles qui passent devant, il y a des petits hommes peu fréquentables. Ils tremblent et agissent de manière brusque, sans rien dire. Déjà ce n'est pas ce qu'il y a de plus sympa, mais en plus ils attirent d'autres congénères vers eux. Discrètement, sans bruits, ils se saluent, s'échangent des babioles, et repartent. C'est rapide, mais intense.

Je n'dirais pas, qu'ici, devant l'Enfer, il y a des flammes. C'est pas souvent. Voire même très rare. Je crois qu'il y a déjà eu, une fois, un diablotin du feu qui était en mission, mais c'est tout. De toute manière, il y a une maison d'êtres rouges à crêtes à deux pas. Ils s'exercent à courir par ici. Je les vois passer le couloir de pierre à toute vitesse pour voir qui sera le premier contre la borne rouge d'arrivée. Mais je ne pense pas que ça leur soit vraiment utile, étant donné que les flammes n'arrivent pas jusqu'ici, devant l'Enfer.

À l'exact endroit où je suis, on peut voir parfois des gnomes s'injurier, se sauter dessus, balancer ça et là des choses que je ne reconnais pas. Ils sortent des grilles d'où on les retenait. J'ai déjà dépassé ces grilles, et j'espère sincèrement ne plus avoir à le refaire. Il n'y a que des gnomes comme ceux que j'ai décrit, et parfois en pire. Ils s'agitent dans tous les sens dans un brouhaha infernal. Ils s'approche et hop ! tu en a un sur chaque bras et un sur le dos. C'est effrayant. Je ne veux plus jamais retourner dans cet endroit, peu importe le prix.

Là, en ce moment même, je suis devant l'Enfer. Et j'attends. J'attends souvent. Tous les jours, tous les soirs, jusqu'à ce qu'on vienne me prendre et me ramener chez moi. On vient toujours me chercher. Parfois je me cache, pour rester observer l'entrée de l'Enfer, pour regarder impressionné la gueule béante du Diable. Et on vient me chercher, mais plus tard, bien plus tard. D'autres fois je ne me sens pas le courage, je regarde le ciel, et j'attends avec plus de hâte. Mais toujours, sans aucune autre possibilité, on vient me chercher et on me ramène chez moi.

D'ailleurs j'entends le bruit déglingué de la machine humaine. Elle ramasse ceux qui comme moi attendent devant l'Enfer, sans jamais y entrer. On n'est pas nombreux à attendre. Un, deux. Rarement quatre. Mais dès qu'on rentre dans la machine, on se sent serré, écrasé, comme si les parois se refermer sur soi. Chaque jour, chaque soir, j'espère que l'homme qui fait cracher les poumons de la machine ne m'emmènera pas au diable vauvert. C'est si effrayant de penser à un endroit inconnu dont jamais on ne revient. Mais pas de risque, j'imagine. Jusqu'à présent, je suis toujours vivant, et on vient toujours me chercher pour me ramener chez moi…

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