Le Falzar et le Méton.
- Falzar, raconte-moi ton existence.
- Je ne suis qu'un Falzar. Je ne peux t'assurer l'orgueil qu'un narrateur aura.
- Cela me convient parfaitement. Moi, Méton, je suis las de tout ça. Et rien ne saurait me faire plus plaisir qu'un Falzar sans orgueil.
- Dans ce cas je m'appliquerai à te décevoir. Mon existence commence dans les bas-fonds du coton. Un deux trois pluies d'hiver et le glaçage idem. Un aérobic survolant la frontière, Kardam buvant le thé sous la poussière des blés. Voilà tout ce que j'ai à te dire, Méton.
- Eh bien Falzar, quel dramaturgie ! Je veux savoir comment et pourquoi on est arrivés là.
- Méton, brave et très con Méton. Tu me rassures par tes questions sans fond. Et toi, qu'es-tu ?
- Tu le sais très bien.
- Raconte.
- Cela ne sert à rien.
- Raconte.
- Grrr.
- Raconte Méton. Ou pars.
- Je reste. Je suis astronome. Oui, Astronome. J'explore les quantités du vide pour venir à bout de l'ignorance humaine.
- Je ne suis pas humain, moi.
- Oui Falzar, je sais. L'ignorance humaine n'est pas pour toi. J'ai moi-même hésité un moment à être humain, connaissant tant de chose. Savais-tu que sans moi, il n'y aurait pas le cycle ?
- Je le sais. Je ne suis pas humain je te dis.
- J'oublie toujours.
- Ce que tu appelles l'ignorance humaine, c'est l'oubli humain. Seul l'humain se permet d'oublier. Sa mémoire n'en est pas une. Dès sa naissance, il sait tant de chose qu'il refuse de parler. Mais la nature est un appel et le cerveau oublie.
- Tu ne sais pas ce que tu dis. Tu n'es qu'un Falzar, même pas le plus beau.
- La beauté, encore elle.
- Tu m'interromps. Où en étais-je ?
- Le cycle.
- Peu importe. Astronome je suis, mais pas pour tous. On m'a rejeté sans foi ni raison hors de cette sélective classe d'humains. La jalousie : j'avais repéré une si belle planète !
- La beauté, encore elle.
- Tais-toi.
- Pardon pardon pardon.
- Suffit ! Fais demi-tour et va dire à ton maître qu'il faut te battre, puis revient.
- Je n'ai pas de maître. Mais je vais.
Il sort.
- Enfin. J'ai bien assez vécu pour n'être qu'abattu à cause de ce roi. Peut-être devrais-je le renverser, ou même le défier dans un duel d'épée en bois. Je ne risque pas la mort, et je peux gagner gros. Ah, je m'étonne parfois qu'on ne me hait pas plus par jalousie. Je suis bien supérieur aux autres, quoi qu'ils peuvent dire. (Il écoute.) Que ? On parle sans moi dire. Citation aucune. Référence zéro. Ah ! Cela suffit, je me dois de régler cette discussion.
Il sort à son tour.
Le Falzar revient.
- Méton ? Il est parti. Il a faim, cet humain. Il explosera. S'il feint l'explosion, il oubliera. Rien n'est pire, ni mieux. Occire ou se suffire. Méton, Méton. Qu'un Méton me revienne, que je le prévienne.
Le Méton ne revient pas.
- Je suis suffisant seul. Mais Méton est un ajout. Je peux me croire maître de…
Le Méton revient.
- Que dis-tu, Falzar ? Tu parles de moi ?
- Certes ?
- C'est bien. Très bien. Je suis dans les mots.
- Méton, qu'y fais-tu ?
- Je déplace des points importants.
- C'est risqué.
- Je meurs.
Il meurt.
- Ainsi sois-tu.
Le Falzar sort.