Je suis une voiture. Je suis une longue voiture blanche. Mon aile droite est légèrement abîmée, la portière s'ouvre difficilement, avec ce genre de grincement qui fait friser les dents et retourner l'échine en deux. Je roule, je ne roule pas, je recommence, je pourfends la grande toile noire brillante de la nuit. Je la déchire, elle hurle, elle se tait, elle menace, elle tombe. Les lumières apparaissent, éparses, étendues et dispersées dans le lointain. Elles brillent faiblement, mais sûrement. Pas de quoi trembler. J'accélère. Je suis une voiture. Mes feux s'éteignent subitement, quelques secondes, ils se rallument. Sur une ligne droite, amusant mais c'est tout. J'entends une musique, elle vient me caresser la carrosserie, elle m'entoure dans son rythme et je m'enroule de sa couleur. Nous roulons à deux. Plus rien d'autre. Le vent, je l'oublie. La lune, elle se cache. La mer, j'y vais. S'il devait arriver que le monde s'arrête maintenant, tout de suite, je m'en foutrais, je serais à ce moment plus fort que l'espace, plus loin que le temps. Mais il ne se passe rien. J'avance sans peine, avec un simple but. Plus tard je serai aux lumières, mais n'y pense pas. Je ne suis qu'une voiture. Un éclat jaune m'aveugle derrière moi, me passe devant et s'oublie dans la peinture. Je me découperai bien ce moment en tableau. Et la paix, Divinité, la Paix !
It's Showtime.
It's Showtime.
La paix. Et la liberté. Je crois qu'elles se recoupent toutes les deux. Hâte de pouvoir les toucher du bout des doigts.
Bientôt. Sauf problème. Probabilité très forte aux vues de la densité de population de ces fichus ennuis;
Mais chut! Bientôt.
Celle qui a récupéré Alzheimer, de mes deux grands mères, c'était la plus Géniallissime des deux. Une grand mère de folie. Aujourd'hui, elle meurt. Et l'autre est une mégère remplie d'hypocrisie. Et elle revivrait presque tellement elle bouge et fait des tas de trucs.
Preuve supplémentaire de l'injustice du Destin. Zût.
Le stade infernal que tu dis avoir vécue avec celle qui est partie, je l'ai vécu aussi. Elle me sautait à la gorge parce que je prenais une de ses serviettes pour mettre la table. Me regardait, le regard vide, en me demandant ce que je faisais chez elle. Qui j'étais. Ce que je voulais. Horrible. Y'a tout qui se casse la gueule dans ces moments là. Toutes les certitudes. Tout le passé, tout ce qui a construit ta relation avec elle. Ensuite, oui, est venu le moment où elle a vraiment plongé d'un coup et où elle filait. On la rattrapait au bout du jardin, on lui prenait la main, on la ramenait à la maison. Et elle filait à nouveau. Quand on se réunissait tous ensemble, elle se taisait. De temps à autre demandait qui étaient tous ces gens. Elle avait peur.
Mon grand père, pendant un temps, l'a envoyé dans une association spécialisée dans l'accompagnement de ces malades. Quand elle revenait, elle rapportait des dessins. De jolis dessins équivalents à ceux qu'on gribouille quand on a trois ans, en maternelle. Des collages, des pliages. Elle était fière comme une enfant. Ensuite, elle se mettait à pleurer. Parce qu'elle réalisait.
Non, assurément, cette maladie est une horreur. Détruire la substance de l'être humain, c'est affreux. Et la détruire par petites touches, pour que l'autre se rende bien compte de son état, c'est sadique.
Le SIDA détruit le système immunitaire, et fait que le malade meurt d'un rhume. Ici, Alzheimer détruit les neurones. Fait que tout se dérègle jusqu'à ce que le corps ne soit plus connecté à rien. Le cerveau, c'est ce qui tient tout. Tu y touches, tu détruis tout.
Y'a des maladies comme çà, qui sont juste.. Formidablement machiavéliques. Comme si Dieu avait trouvé le point sensible de l'être humain et s'était évertué à créer ces maladies pour tester les limites de l'Homme. Je sais pas. Je suis tellement "admirative" devant la complexité et le développement de ces maladies (surtout le SIDA, c'est "magnifique") que j'ai envie d'en donner la responsabilité à une Entité supérieure. Parce que des mutations aléatoires ne peuvent pas arriver à toucher si bien les limites du corps humains.
Ce n'est que mon avis, finalement. Parfois, je crois à l'Entité Supérieure.
Que dire d'autre.. Je passerai lire ton poème plus tard. J'ai accroché au pare choc de cette voiture que tu es mais pour le reste, il faut que je finisse ce dossier.